Historique

Camille Paloque-Bergès & Loïc Petitgirard – Laboratoire HT2S-Cnam

Le laboratoire CÉDRIC, Centre d’Études et Recherche en Informatique du Cnam, apparaît sous ce nom dès 1988, avant sa validation administrative dans l’établissement en 1990. Il a été un aboutissement de quinze ans d’efforts des informaticiens du Conservatoire pour développer une équipe visible et reconnue dans le champ de l’informatique en France et à l’international.

Les racines du laboratoire plongent dans une histoire de l’enseignement de l’informatique au Cnam qui débute très tôt. Depuis son installation dans l’institution, l’informatique a en effet suivi plusieurs trajectoires, liées aux évolutions des enseignements et à l’équipement en ordinateurs, relativement tardif dans le contexte international. L’informatique a trouvé sa place dès les années 1950 au Cnam, en lien avec les enseignements de mathématiques appliquées, de comptabilité (concernée au premier chef par la mécanographie, introduite dans l’établissement par les besoins en formations du constructeur Bull) et d’électronique. L’informatique enrichit l’approche appliquée caractéristique des formations du Cnam en lien avec les demandes industrielles (constructeurs de matériel d’abord, puis les sociétés de service en informatique).

Cette période pionnière voit la création en 1968 du département Mathématiques-Informatique (initialement appelé « Informatique et Mathématiques appliquées ») et de l’IIE (Institut d’Informatique d’Entreprise), ainsi que l’installation de chaires dédiées à la discipline. Le département grossit rapidement en raison du développement très rapide de l’informatique : passant de deux à cinq chaires, regroupant douze à quinze enseignements selon les périodes, il présente une offre diversifiée. Il est divisé en trois spécialités : Mathématiques pures et appliquées, Mathématiques des cours d’Économie, et Informatique (incluant la Recherche Opérationnelle sous l’impulsion de Robert Faure). Une quatrième matière s’y adjoint en 1973, avec la nomination de François-Henri Raymond à la chaire d’Informatique Programmation (Informatique théorique, méthodes de programmation) : alors que Raymond, fondateur de la Société pionnière d’Electronique et Automatique (SEA) quitte le monde industriel, alors en pleine réorganisation alors que le Plan Calcul se termine, cette chaire est créée pour lui par Alexis Hocquenghem, par ailleurs titulaire de la chaire de Mathématiques appliquées et directeur du département. La thématique devient très populaire notamment grâce à la diffusion télévisée, au début des années 1970, des cours d’introduction à l’informatique de Paul Namian (titulaire de la chaire de Machines mathématiques depuis 1966). L’informatique est enfin sujet et moyen d’expérimentation pédagogique au Cnam.

Dans ce contexte, c’est au cœur du « Laboratoire de calcul », le centre de calcul regroupant les moyens informatiques du Cnam créé par Hocquenghem à la décennie précédente, et qui devient le « Laboratoire d’informatique », qu’une Équipe Systèmes a été créée en 1975, sous l’impulsion de Claude Kaiser. Chercheur aguerri venu de l’IRIA, Claude Kaiser donne des cours au Cnam depuis 1969 avant de devenir maître de conférences en 1974, puis de reprendre la chaire de Raymond en 1982. Profitant d’une demande de bilan par l’administration générale en 1975 à l’occasion du 7ème plan d’établissement, il dresse le premier état des lieux sur une recherche en informatique à l’état embryonnaire au niveau local, mais qui prend de l’ampleur au niveau international – avec notamment un rapport de l’OCDE. Au niveau national, c’est aussi l’année où l’informatique fait officiellement son entrée dans les structures académiques, avec l’ouverture d’une sous-section du CCU (Comité consultatif des universités, ancêtre du Conseil national des universités) intitulée « Informatique fondamentale et appliquée et d’une section « Informatique, automatique, analyse des systèmes et traitement du signal » au CNRS.

Sur ce, il initie un premier groupe de chercheurs, dont les contours vont évoluer au fil du temps, mais concentrant le noyau dur qui fera germer le CEDRIC. Au sein de l’équipe émergent des recherches pratiques et théoriques, à la fois issues des thématiques initiales, et aussi spécialisées dans de nouveaux thèmes de recherche, du plus pratique (l’assemblage de mini-ordinateurs, les systèmes informatiques, les réseaux) au plus théorique (les langages de programmation, les réseaux de Petri stochastiques – qui sera l’une des thématiques fortes à l’aube de la fondation du CÉDRIC). En lien avec des chercheurs de l’INRIA et des interlocuteurs industriels, notamment via l’ Association française pour la cybernétique économique et technique (AFCET), l’équipe laissera sa trace en particulier dans le monde du développement et de l’administration des réseaux (avec l’ouverture des premières connections françaises du réseau informatique international UUCP en 1982, par le biais de l’infrastructure européenne EUnet), et des travaux sur les systèmes répartis (avec le manuel CROCUS, qui paraît en 1975, et l’ouvrage CORNAFION, 1981).

Au fil des années 1980, d’autres perspectives sont adjointes : les recherches en programmation théorique (séquentielle, sémantique, classique) reprises avec l’arrivée de Véronique Donzeau-Gouge ; les études en recherche opérationnelle, initiées par Robert Faure et en développement constant avec Bernard Lemaire, Alain Billionnet et Marie-Christine Costa ; et enfin celles en informatique de gestion, acteurs importants de l’informatique au Cnam au cours des années 1980 à travers les activités et le rayonnement de l’Institut d’Informatique d’Entreprise (devenu ENSIIE en 2006). L’ouverture des formations doctorales à partir de 1985 favorisera également l’essor de la recherche en informatique.

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