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Charles Fourier

Egarement de la raison démontré par les ridicules des sciences incertaines (1806?)

Etrange ((fatalité)) bizarrerie ! tandis que chaque science s'efforce d'étendre son domaine et d'empiéter au-delà de ses attributions, la métaphysique seule abandonne ses privilèges, et n'ose pas raisonner librement sur les oeuvres de Dieu dont elle est seule juge compétent. Il est désolant de penser que la stupeur, la pusillanimité de cette classe de savants prive depuis 2 500 ans le genre humain de la connaissance des lois divines et des destinées ((oui, tous les malheurs que le genre humain éprouve depuis 25 siècles sont dûs à la couardise des métaphysiciens)).

((En l'absence de lois, à défaut de lois divines, il était naturel que les hommes établissent les leurs ; c'est ce qui a donné lieu à trois classes de charlatanerie, la superstition, la politique et la morale, sciences dont les auteurs essaient de diriger l'ordre social et de suppléer au défaut des lois divines.)) ((Ces trois sciences de concert ont établi un))

A défaut de lois divines trois sciences sont intervenues pour diriger le mouvement social, ce sont ((la superstition)), la Politique, la Morale et l'Economie. Toutes trois de concert ont établi [un principe] qui est le fondement de toutes les erreurs. Elles ont enseigné que la raison humaine peut de son chef, et sans le secours de la révélation divine, inventer un ordre social qui fera le bonheur des humains. Cette opinion exclut Dieu de la direction du mouvement social pour la livrer aux philosophes qui ont de temps immémorial conduit le genre humain d'abîmes en abîmes, autant de fois qu'ils ont pu tenir les rênes de l'administration.

Tandis que ces 3 sciences ((la superstition)), l'économie, la politique et la morale partagent la dépouille de Dieu, la direction du mouvement social, on voit régner partout les trois dégénérations physique, politique et morale, qui attestent la dégradation du genre humain, et l'imbécillité des sciences qu'il a choisies pour guides. En voyant cette malheureuse civilisation, qui, après 25 siècles d'études, marche de révolutions en révolutions, de tortures en tortures, qu'attendez-vous, métaphysiciens, d'attaquer en masse les 3 sciences qui remplissent si mal les fonctions de Dieu qu'elles se sont arrogées ? La censure des ((superstitieux)) économistes, des politiques et des moralistes n'appartient qu'à vous seuls. Les attributions s'étendent à déterminer nos destinées en cette vie et en l'autre, et à confondre tous les charlatans qui prétendent remplir cette tâche. Mais, en vous donnant pour esprits forts, vous vous laissez paralyser par la superstition. C'est ce que je vais vous démontrer par une dissertation sur les 2 problèmes qui étaient le principal objet de votre science. Ces deux problèmes sont les analyses de nos destinées en ce monde et en l'autre.


1º Nos destinées en cette vie.
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Je reproduis ici la thèse sur l'insuffisance de la raison sans révélation. J'ai dit précédemment -- au prospectus en d'autres termes -- ou Dieu ne veut pas le bonheur des hommes, et dans ce cas la philosophie ne peut rien pour eux, ou bien s'il veut notre bonheur, il a du préparer, pour nous y conduire, d'autres voies que la Civilisation, et d'autres guides que les sciences incertaines trop convaincues d'empirisme par 25 siècles de tourment qu'elles nous ont causé.

Tel était le premier débat qu'il fallait élever sur l'impéritie des sciences incertaines. On a bien osé douter des sciences les plus fixes ; on a vanté avec raison Descartes, qui le premier appliqua le doute à toutes les connaissances acquises. Pourquoi donc ne douterait-on pas des prétendues lumières qu'on doit à ((la superstition)) l'économisme, à la politique et à la morale ? Le règne de ces trois sciences n'ayant produit que les révolutions et l'indigence, il fallait les condamner en masse sur le vice de leurs [ ], et les signaler comme visions scientifiques, aberrations ((licences)) du génie et absence de l'esprit divin.

Le premier pas à faire pour arriver au bien, c'est d'oser confesser l'existence du mal et rompre en visière aux charlatans qui le propagent. La métaphysique chargée de rechercher les vues de Dieu devait, avant tout, constater l'ignorance de ces vues ((et le triomphe des charlatans, elle devait attaquer, je le répète, attaquer à la fois la superstition, la politique et la morale)), et attaquer les sciences incertaines comme ((ineptes par le fait)) dépourvues de mission et usurpatrices des fonctions de Dieu. Rien n'atteste que Dieu, en faveur de ces 3 sectes, se soit dessaisi de sa prérogative de Directeur de tout mouvement. Or si la gestion du mouvement appartient à Dieu, le bien, en fait de mouvement social, ne peut venir que de Dieu, la connaissance des voies qui conduisent au bien ne peut venir que d'une révélation divine, et non pas des visions de 3 sectes qui ne justifient d'aucune communication directe, constante et avérée avec Dieu.

En attendant que cette révélation divine et ces voies de bien social parviennent à notre connaissance, Dieu est responsable des désordres de nos sociétés, puisqu'il est l'unique moteur de l'univers; il est donc coupable et accusable pour les maux qu'ont endurés nos aïeux, et que nous endurons nous-mêmes, et le premier pas que la raison doive faire, c'est d'accuser Dieu sur le défaut de révélation et d'intervention divine, accuser les sciences incertaines sur leur impéritie. J'avoue qu'un tel rôle devait sembler effrayant à des esprits rétrécis par les calculs de perceptions ((d'abstraction)), d'intuitions et de sensations ((d'intuition)).

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Texte produit par Julien Mannoni (mannoni@worldnet.fr)