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Friedrich Engels

Socialisme utopique et socialisme scientifique


Ce que je supposais -‹ le contenu de cet ouvrage devait offrir peu de difficultés pour nos ouvriers allemands -‹ s'est vérifié. Tout au moins, depuis mars 1883, date de parution de la première édition, trois tirages d'en tout 10000 exemplaires ont été écoulés, et cela sous le règne de la défunte loi antisocialiste‹ ce qui constitue en même temps un nouvel exemple de l'impuissance des interdictions policières face à un mouvement comme celui du prolétariat moderne.

Depuis la première édition, diverses traductions en langues étrangères ont encore paru: une édition italienne de Pasquale Martignetti _Il Socialismo utopico e il Socialismo scientifico_, Bénévent 1883; une édition russe: _Razvitie naucznago Socializma_, Genève 1884; une édition danoise: _Socialismens Udvikling fra Utopi til Videnskab_, dans la « Socialistik Bibliothek », I. Bind, Copenhague 1885; une édition espagnole: _Socialismo utopico y Socialismo cientifico_, Madrid 1886; et une édition hollandaise: _De Ontwikkeling van het Socialisme van Utopie tot Wetenschap_, La Haye 1886.

La présente édition a subi diverses petites modifications: des additions de quelque importance n'ont été faites qu'en deux endroits: dans le premier chapitre à propos de Saint-Simon qui était tout de même un peu désavantagé par rapport à Fourier et Owen, et vers la fin du troisième chapitre à propos de la forme de production des «trusts » qui avait pris entre temps de l'importance.

Londres, le 12 mai 1891. Friedrich ENGELS.


INTRODUCTION A LA PREMIÈRE ÉDITION ANGLAISE


La présente brochure est, à l'origine, une partie d'un ensemble plus vaste. Vers 1875, le Dr E. Dühring, _privat dozent_ à l'université de Berlin, annonça soudain et avec quelque bruit sa conversion au socialisme et offrit au public allemand non seulement une théorie socialiste minutieusement élaborée, mais aussi un projet complet de réorganisation pratique de la société; comme de juste, il tomba à bras raccourcis sur ses prédécesseurs; il fit surtout à Marx l'honneur de déverser sur lui les flots de sa colère.

Cela se passait à peu près au temps où les deux fractions du Parti socialiste allemand -‹ le groupe d'Eisenach et les lassalliens -‹ venaient d'opérer leur fusion et d'acquérir ainsi, non seulement un immense accroissement de forces mais ce qui était plus encore, la possibilité de mettre en jeu toute cette force contre l'ennemi commun. Le Parti socialiste était en train de devenir rapidement en Allemagne une puissance. Mais pour en faire une puissance la première condition était que l'unité nouvellement conquise ne fut pas menacée. Or le Dr Dühring se mit ouvertement à grouper autour de sa personne une secte, noyau d'un futur parti. Il devenait donc nécessaire de relever le gant qui nous était jeté et, bon gré mal gré, de mener le combat à son terme.

Or, bien qu'elle ne présentât pas trop de difficultés, c'était là une affaire de longue haleine. Nous autres Allemands, c'est bien connu, avons la manie terriblement pesante d'aller au fond des choses; nous sommes d'une profondeur radicale ou d'un radicalisme profond, comme il vous plaira de l'appeler. Chaque fois que l'un de nous expose ce qu'il considère comme une théorie nouvelle, il faut d'abord qu'il l'élabore pour en faire un système universel. Il lui faut prouver qu'à la fois les premiers principes de la logique et les lois fondamentales de l'univers n'ont existé de toute éternité à une fin autre que de conduire en dernière analyse à la doctrine qu'il vient de découvrir et qui en est le couronnement. Sous ce rapport le Dr Dühring ne déparait pas le niveau national. Rien de moins qu'un _Système de philosophie_ complet, avec philosophie de l'esprit, de la morale, de la nature et de l'histoire; qu'un _Système d'économie politique et du socialisme_ complet; et enfin qu'une _Histoire critique de l'économie politique_ trois gros in- octavo, extrinsèquement et intrinsèquement pesants, trois corps d'armée d'arguments mobilisés contre tous les philosophes et économistes antérieurs en général, et contre Marx en particulier, en fait une tentative de complet « bouleversement de la science » voilà ce à quoi il me fallait me mesurer. J'ai eu à traiter de tous les sujets possibles et imaginables; depuis les concepts de temps et d'espace jusqu'au bimétallisme, depuis l'éternité de la matière et du mouvement jusqu'à la périssable nature de nos idées morales, depuis la sélection naturelle de Darwin jusqu'à l'éducation de la jeunesse dans une société future. Néanmoins, l'universalité systématique de mon adversaire m'a donné l'occasion de développer en opposition à lui, et pour la première fois dans leur enchaînement, les opinions que nous avions, Marx et moi, sur cette grande variété de sujets. Telle fut la principale raison qui me fit entreprendre cette tâche, par ailleurs ingrate.

Ma réponse, d'abord publiée en une série d'articles dans le _Vorwärts_ de Leipzig, organe principal du Parti socialiste, fut ensuite imprimée en un volume sous le titre: _M. Eugène Dühring bouleverse la science._ Une deuxième édition parut à Zurich en 1886.

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Texte produit par Gianni Di Guiseppe