Jacques le fataliste et son maître
JACQUES: C'est que, tandis que je m'enivre de son mauvais vin,
j'oublie de mener nos chevaux à l'abreuvoir. Mon père s'en aperçoit; il se fâche. Je hoche de la tête; il prend un bâton et m'en frotte un peu durement les épaules. Un régiment passait pour aller au camp devant Fontenoy; de dépit je m'enrôle. Nous arrivons; la bataille se donne. LE MAÎTRE: Et tu reçois la balle à ton adresse. JACQUES: Vous l'avez deviné; un coup de feu au genou; et Dieu sait les bonnes et mauvaises aventures amenées par ce coup de feu. Elles se tiennent ni plus ni moins que les chaînons d'une gourmette. Sans ce coup de feu, par exemple, je crois que je n'aurais été amoureux de ma vie, ni boiteux. LE MAÎTRE: Tu as donc été amoureux? JACQUES: Si je l'ai été! LE MAÎTRE: Et cela par un coup de feu? Paragraphes précédents 21 ... 40 Paragraphes suivants |
Texte produit par Carole Netter (cnetter1@cc.swarthmore.edu)