AIDE   TEXTES   AUTEURS   SOMMAIRE

Charles Fourier

Tableau analytique du cocuage

Nº 1. Cocu en herbe ou anticipé est celui dont la femme a eu des intrigues amoureuses avant le sacrement et n'apporte pas à l'époux sa virginité, « et ne l'être qu'en herbe est pour lui peu de chose », dit Molière. -- Nota : Ne sont pas réputés en herbe ceux qui ont connaissance des amours antérieures et trouvent malgré cela leur convenance à épouser ; ainsi celui qui s'allie à une veuve, non plus que celui qui connaît les galanteries antérieures de sa femme et s'en accommode.

Nº 2. Cocu présomptif est celui qui, longtemps avant le mariage, redoute le sort commun, se met l'esprit à la torture pour y échapper, et souffre le mal avant de l'éprouver réellement. Chacun entrevoit que ses défiances ne serviront qu'à l'égarer dans le choix d'une épouse et accélérer, par excès de précaution, l'événement qu'il redoute.

Nº 3. Cocu imaginaire est celui qui ne l'est pas encore et se désole en croyant l'être. Celui-là, comme le présomptif, souffre du mal imaginaire avant le mal réel.

Nº 4. Cocu martial ou fanfaron est celui qui, par d'effrayantes menaces contre les galants, croit s'être mis à l'abri de leurs entreprises, et porte néanmoins la coiffure tout en se flattant d'y échapper par la terreur qu'il répand ostensiblement. Il est pour l'ordinaire cocufié par un de ceux qui applaudissent à ses rodomontades et lui assurent qu'il est le seul qui sache veiller sur son ménage.

Nº 5. Cocu argus ou cauteleux est un fin matois qui, connaissant toutes les ruses d'amour et flairant de loin les galants, fait de savantes dispositions pour les mettre en défaut. Il remporte sur eux des avantages signalés, mais, comme le plus habile général éprouve à la fin des revers, celui-ci est à la fin soumis à la commune destinée. Au moins s'il est cocu, il ne l'est guère.

Nº 6. Cocu goguenard est celui qui plaisante sur les confrères et les donne pour des imbéciles qui méritent bien ce qui leur arrive. Ceux qui l'entendent se regardent en souriant et lui appliquent tacitement le verset de l'Evangile : « Tu vois une paille dans l'oeil du voisin, tu ne vois pas une poutre dans le tien. »

Nº 7. Cocu pur et simple est un jaloux honorable qui ignore sa disgrâce, et ne prête point à la plaisanterie par des jactances ni par des mesures maladroites contre l'épouse et les poursuivants. C'est de toutes les espèces de cocus la plus louable.

Nº 8. Cocu fataliste ou résigné est celui qui, dépourvu de moyens personnels pour fixer son épouse, se résigne à ce qu'il plaira à Dieu d'ordonner et se retranche sur la justice et le devoir, en observant que sa femme serait bien coupable si elle le trompait ; c'est à quoi elle ne manque pas.

Nº 9. Cocu condamné ou désigné est celui qui, affligé de difformités ou infirmités, se hasarde à prendre une belle femme. Le public, choqué d'un tel contraste le condamne d'une voix unanime à porter la coiffure, et l'arrêt du public n'est que trop bien exécuté.

Nº 10. Cocu irréprochable ou victime est celui qui, joignant les prévenances aux avantages physiques et moraux, et méritant sous tous les rapports une épouse honnête, est pourtant trompé par une coquette, et emporte les suffrages du public qui le déclare digne d'un meilleur sort.

(Début)  1 ... 20  Paragraphes suivants  

Notice  Table  Recherche  Frequences  Texte Complet  

Texte produit par Julien Mannoni (mannoni@worldnet.fr)