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Gustave Flaubert

Bouvard et Pécuchet

CHAPITRE I


Comme il faisait une chaleur de 33 degrés, le boulevard Bourdon se trouvait absolument désert.

Plus bas le canal Saint-Martin, fermé par les deux écluses étalait en ligne droite son eau couleur d'encre. Il y avait au milieu, un bateau plein de bois, et sur la berge deux rangs de barriques.

Au delà du canal, entre les maisons que séparent des chantiers le grand ciel pur se découpait en plaques d'outremer, et sous la réverbération du soleil, les façades blanches, les toits d'ardoises, les quais de granit éblouissaient. Une rumeur confuse montait du loin dans l'atmosphère tiède ; et tout semblait engourdi par le désoeuvrement du dimanche et la tristesse des jours d'été.

Deux hommes parurent.

L'un venait de la Bastille, l'autre du Jardin des Plantes. Le plus grand, vêtu de toile, marchait le chapeau en arrière, le gilet déboutonné et sa cravate à la main. Le plus petit, dont le corps disparaissait dans une redingote marron, baissait la tête sous une casquette à visière pointue.

Quand ils furent arrivés au milieu du boulevard, ils s'assirent à la même minute, sur le même banc.

Pour s'essuyer le front, ils retirèrent leurs coiffures, que chacun posa près de soi ; et le petit homme aperçut écrit dans le chapeau de son voisin : Bouvard ; pendant que celui-ci distinguait aisément dans la casquette du particulier en redingote le mot : Pécuchet.

-- "Tiens !" dit-il "nous avons eu la même idée, celle d'inscrire notre nom dans nos couvre-chefs."

-- "Mon Dieu, oui ! on pourrait prendre le mien à mon bureau !"

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Texte produit par Pierre Cubaud (cubaud@cnam.fr) et Eric Dubreucq (dubreucq@cnam.fr)